samedi 7 mars 2009

Slumdog Millionaire : le succès phénoménal du film engendre un tourisme d'un goût douteux

Le dernier film de Danny Boyle, le metteur en scène du très différent Train Spotting, a raflé huit statuettes lors de la 81e nuit des Oscars et engrangé plus de 200 millions de dollars à ce jour.

Ce n'est pas moi qui m'en plaindrai. Je l'ai vu en version originale et c'est sans doute l'un des plus beaux films et l'un des plus émouvants que j'ai vus ces dernières années.


Basé sur le roman Q & A de Vikas Swarup, il raconte les aventures d'un jeune Indien issu des taudis de Mumbaï et qui rafle la mise au jeu du Millionnaire. Fabuleuse histoire d'amour, Slumdog Millionaire est également une satire sociale féroce et un film d'aventures coloré. C'est un coktail détonnant d'émotions, un tourbillon éblouissant d'images somptueuses, cruelles ou dérisoires. C'est aussi une galerie de personnages inoubliables : un jeune homme pur malgré la pourriture et la misère sordide qui l'ont vu grandir, un frère débrouillard mais trop attiré par l'argent facile et le luxe bling bling de la vie de ganster, une jeune femme d'une beauté fabuleuse, un commissaire de police empathique, des exploiteurs d'enfants sans scrupules, un animateur de jeu télé qui n'en a pas davantage...

Le succès aussi phénoménal qu'inattendu de ce film à faible budget est amplement mérité.

Mais il engendre, ou plutôt amplifie un autre phénomène nettement moins sympathique, celui du tourisme des bidonvilles. Des favelas de Rio aux taudis de Mumbaï - lieu de tournage du film - en passant par le district Mukuru de Naïrobi, c'est toute une industrie du tourisme sordide qui fleurit littéralement sur les immondices.

Les promoteurs de ce tourisme nouveau genre l'ont baptisé reality tours. Du même qualificatif que les émissions à sensation exploitant la misère affective ou le désir de reconnaissance des plus démunis, des plus désarmés face à une société fascinée par ses propres désirs de consommation... Un autre terme peut-être plus proche de la réalité de ces circuits touristiques est celui de poorism, qui révèle sans ambage le public visé par ce néo-voyeurisme.

Pour quelques dollars, vous pourrez filmer les souffrances d'enfants en haillons, renifler les remugles de la cuisine famélique de populations défavorisées, peut-être aurez-vous même le frisson ineffable de voir crever un pauvre en direct...

D'autres opérateurs, conscients du désir de certains touristes de se rapprocher authentiquement des populations locales offrent de réelles opportunités de se mêler à elles sans voyeurisme ni interférences inopportunes dans leur mode de vie. Way, par exemple, propose des voyages en Afrique du Sud en byciclette ou en combi Volkswagen, les véhicules les plus courants de la région qui permettent de se fondre discrètement dans le décor. Ils pratiquent aussi une politique du no camera qui autorise un autre contact que celui de visiteur de zoo et bête curieuse qui caractérise tant de voyages de loisirs... Bien plus, l'opérateur envisage de réinvestir 80 % des bénéfices dans des actions de développement économique local.

A bon entendeur...



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