mercredi 18 juin 2008

Le tableau de l´apothicaire


Prenez une grand-mère agaçante, une historienne d'art célibataire et un tantinet curieuse, un tableau médiocre d'un petit maître hollandais du XVIIIe siècle, un harceleur électronique, un flic mou et sa collègue belle à tomber par terre. Secouez le tout dans le shaker de l'imagination débridée d'Adrian Matthews et vous obtenez ce cocktail d'humour noir et de relations troubles que forme le Tableau de l'apothicaire.

On peut s’interroger sur les choix éditoriaux qui ont présidé à l’insertion de ce roman dans une collection nommée « Thriller ». Vous ne trouverez pas dans ce livre de poursuite haletante, de combats au katana ou à main nue, d’expert en arts martiaux ou en armes à feu… Non, mais une trame solide, des personnages dotés d’une véritable épaisseur psychologique, une histoire aux multiples rebondissement où les gens ne sont pas ce qu’ils prétendent, où les faits sont plus truqués que le jeu d’un bonneteau, où même le tableau du titre n’est pas un tableau, ou pas seulement.

En fait, la richesse du « Tableau de l’apothicaire » réside davantage dans la complexité des personnages et des relations troubles qu’ils entretiennent entre eux que dans quelque suspense artificiel. Ici, le suspense vient du jeu de miroirs entre les protagonistes. Ruth, une paisible historienne d’art vivant sur une péniche d’Amsterdam, voit sa vie basculer le jour où une vieille dame nippée comme une SDF et trimbalant un invraisemblable tas de sacs plastique se présente au musée pour revendiquer la possession d’un tableau. Cette œuvre moyenne d’un artiste médiocre du XVIIIe siècle a été volée par les nazis et la vieille dame en serait la légitime propriétaire. Ruth se prend d’affection pour cette grand-mère improvisée et outrepasse ses fonctions en l’aidant à compléter le dossier de restitution. C’est là que les éléments vont se déchaîner et les personnages s’enchaîner : un mystérieux harceleur électronique, une amie qui se casse la jambe dans un bizarre accident de bateau, un commissaire lourdingue, un apothicaire du XVIIIe siècle qui se prend pour Rembrandt, une fliquette belle comme un top model, un noir au sourire angélique qui investit dans la pierre, un vieux chimiste dont le fils mort hante les esprits… Et ce ne sont là que quelques échantillons de cette fabuleuse galerie de personnages qui se croisent dans une improbable trame de mensonges, de vols, de sentiments exaltés… Improbable, mais si vraisemblable qu’on est pris dans le fil de l’histoire comme dans celui des Parques et qu’on referme le livre à regret, comme on abandonne de vieux amis, en promettant de se revoir pour atténuer la peine de la séparation. i[Le tableau de l'apothicaire]i, b[Adrian Matthews]b, Paris, Editions du Seuil, (Points, Trhiller ; P 1725), 2007, 601 p.


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