mardi 10 juin 2008

Une plongée hallucinée au coeur du Mexique judiciaire... et littéraire


La peur des bêtes


Evaristo Reyes, écrivain raté, journaliste idéaliste guère plus brillant, mais biberonneur acharné, s’est recyclé dans la police judiciaire où ses pauvres dons de détective ne lui valent que des déboires, mais où il peut enfin valoriser ses talents littéraire en rédigeant les rapports de son supérieur, le sémillant commissaire Jesus Maytorena. Ces comptes rendus dithyrambiques sont si éloignés de la sordide réalité d’une police corrompue au-delà de toute expression, qu’ils en deviennent de véritables créations littéraires.

Un jour, le commissaire en verve réveille notre inspecteur en plein rêve de gloriole d’écrivain adulé : il a trouvé, pendu au clou de toilettes publiques, un extrait de journal, une page culturelle insultante pour le Président de la République. Il charge Evaristo de le retrouver afin que la fine équipe du commissaire lui fasse la peau et s’acquière ainsi les bonnes grâces du Ministre de l’Intérieur.

Mais devant le coupable, un écrivain idéaliste, un journaliste probe et intransigeant qui lui rappelle ses propres ambitions dévoyées, Evaristo s’émeut et prévient le scribouillard du danger qui l’attend. En vain. Dans la nuit même, Lima sera assassiné et le meurtre collé sur le dos de la police par l’ensemble de l’intelligentsia mexicaine.

Evaristo ne trouvera plus le repos avant d’avoir arrêté le coupable. Il se lance dans une sorte de croisade personnelle qui lui fera croiser le gratin des lettres mexicaines, gratin qui lui laissera le gout amer de la désillusion et du désenchantement. Car derrière les idoles littéraires, il ne trouvera que faux-semblant, plagiat, mauvaise foi et coups tordus.

Sans le savoir, Evaristo a déchaîné contre lui des forces obscures, celles du gouvernement, de la police et des gens de lettres qui ne lui pardonneront pas ses incursions de béotien dans leur univers élitiste et feutré.

Il connaitra la peur, l’opprobre, la mort de son amour et même la prison. Mais aussi la rédemption et la gloire littéraire.

Enrique Serna se révèle ici un grand écrivain. Sa prose tantôt sarcastique, tantôt tendre, toujours sensuelle et efficace, fait mouche dans tous les registres et ces personnages hauts en couleurs du Mexique corrompu jusqu'à l’os mais tellement attendrissants, on aimerait tant les rencontrer a la terrasse d’une cantina et boire avec eux une bonne bouteille de tequila…


Enrique Serna, La peur des bêtes, Paris, Editions du Seuil, 2007, (Points : Roman noir ; p1818), 307 p.



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